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Science & Technologie :: Identité numérique

Le corps naturel n’est plus un conteneur d’identité individuelle !

Par Mawaki Chango, Mar 21, 2010
Man expressing ideas in a diary

Les origines modernes de la notion de droits des individus ont souvent été liées à la philosophie humaniste libérale du sujet humain, qui a historiquement culminé avec le siècle des Lumières. Le droit à la vie privée fait partie de ces droits de l'individu. Bien que cela ne soit pas directement énoncé dans la constitution américaine comme une fin en soi, plusieurs constitutions européennes et/ou législations sur la vie privée ainsi que la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies témoignent de cet héritage humaniste.

 

Désormais médiatisée par la technologie numérique, l’identité du sujet humain se transforme clairement en un type d’entité différent (les thèmes du cyborg et du posthumain dans la littérature nous le rappellent). L’individualité et l’autonomie – littéralement la capacité de L’autodétermination – du sujet humain au cœur de la conception libérale sont clairement remises en question, voire dépassées. Il apparaît que les sujets humains ne résident plus uniquement dans leur corps ; notre identité n'est plus contenue dans les limites de notre peau.

 

Plus que des constructions juridiques et comme jamais auparavant, la technologie donne à l’être humain la capacité d’agir à distance dans l’espace et dans le temps. Grâce à la technologie numérique, votre identité peut parler et agir en votre nom à tout moment et en tout lieu. Dans de plus en plus de cas, cela peut également se faire en dehors de votre volonté et peut-être contre votre intérêt. La question est de savoir comment les droits individuels hérités tels que la vie privée s’intègrent dans ce nouveau paradigme ? Et quel est exactement ce nouveau paradigme, pour commencer ?

 

En discutant de ces questions le mois dernier (février 2010) lors d'un panel lors d'un symposium avec des étudiants en droit (Communications Law & Policy Society de l'Université de Syracuse) et d'autres experts juridiques, je n'ai pas pu m'empêcher de soulever la question suivante sur les blogs.

 

Dernièrement, une décision prise par une institution de premier plan de la République (même si elle n'est pas centrée sur la technologie) nous a rappelé le défi de définir les droits individuels, sans parler de redéfinir les frontières de l'individu. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Citizens United c. Commission électorale fédérale s’est répercutée sur tout le spectre politique et dans le paysage médiatique, précisément pour cette raison, sous une préoccupation politique évidente. Qui est le sujet des droits, en particulier de ces droits que nous en sommes venus à comprendre comme des droits des individus ?

 

La décision majoritaire de la Cour était entièrement ou partiellement soutenue par l’opinion selon laquelle la liberté d’expression n’est pas seulement un droit des individus humains mais également des entités (ou personnes) juridiques telles que les sociétés. On peut soutenir que le premier amendement ne traite que du discours tout en gardant le silence sur l'orateur qui doit jouir de la liberté d'expression. Nous nous souviendrons peut-être que la Federal Trade Commission a publié une règle qui oblige les blogueurs à divulguer l'identité des entreprises sponsors, le cas échéant (un effort pour répondre aux préoccupations des individus ou des entités qui pourraient être injustement attaqués ou diffamés par les auteurs individuels des articles de blog. ) Il faut soupçonner qu'une telle réglementation reposait sur la conviction que les sociétés ne sont pas soumises au droit du premier amendement. Certes, la Cour suprême impose des restrictions sur les exigences de divulgation et de reporting afin de protéger l'anonymat des contributeurs individuels (aux campagnes politiques par l'intermédiaire des entreprises), il reste à clarifier si la réglementation de la FTC sur la publication de blogs concernant les sponsors corporatifs est toujours légitime. Si les entreprises sont soumises à la liberté d'expression et s'il existe un droit à la liberté d'expression anonyme, alors la FTC peut-elle toujours exiger, à titre réglementaire, la divulgation de la rémunération et du soutien des entreprises dans les blogs (ou dans toute autre prestation de parole d'ailleurs) ? Si les entreprises et les associations sont directement protégées par le Premier Amendement, alors nous devrons, en tant que société, défendre leur droit à la parole anonyme. Sinon, les individus courront le risque de perdre ce même droit – Entreprises et citoyens : unis !

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